samedi 14 juin 2008

Merci et à bientôt.

Le terroriste antiradars était un postier
**************************************************
Depuis des mois, les spécialistes de l'antiterrorisme traquaient les responsables des attentats visant des radars. Un homme seul semble être l'auteur de ces attaques. Ce postier âgé de 29 ans s'est grièvement blessé en manipulant un des engins explosifs.
****************************************************************************
INSAISISSABLE, le mystérieux terroriste aux radars a commis lui-même l'erreur qui aura entraîné sa perte. L'explosion qui a secoué le centre de Clichy (Hauts-de-Seine) dans la nuit de mardi à mercredi semble avoir été causée par l'homme qui, entre le 3 avril 2007 et le 3 mai 2008, s'est attaqué à 12 engins sur les routes de l'Oise, des Yvelines, du Val-d'Oise et de l'Eure. C'est en manipulant les explosifs dont il avait pris l'habitude de se servir pour commettre ses actions que Frédéric Rabiller, 29 ans, a fait sauter son deux-pièces du boulevard Jean-Jaurès vers minuit et demi. Ce discret employé de la Poste au centre de tri de Nanterre a eu les mains arrachées par la déflagration. « Son état est gravissime », indiquait hier le procureur de la République de Paris, Jean-Claude Marin, précisant que son pronostic vital était « gravement engagé ». Avant de sombrer dans le coma, le jeune homme avait pris la peine de préciser aux pompiers son appartenance au Fnar, l'énigmatique Front national antiradars devenu avec le temps la Fraction nationaliste armée révolutionnaire. Il les a aussi alertés de la présence d'autres explosifs dans l'appartement.
******************************************************************
Les nombreux indices découverts dans l'appartement de Rabiller accréditent ces autoaccusations. Les enquêteurs de la sous-direction antiterroriste (Sdat), en charge de ce dossier depuis les premières explosions, ont retrouvé dans son réfrigérateur trois ramequins remplis de TATP, l'explosif qui a servi à détruire les radars (lire encadré) . Le postier disposait chez lui de tous les ingrédients permettant sa fabrication artisanale. C'est vraisemblablement en manipulant un quatrième ramequin que le jeune homme a accidentellement provoqué la violente déflagration.
********************************************************************
En poursuivant leurs investigations, les policiers de la Sdat ont retrouvé d'autres éléments compromettants : un minuteur, une carte routière sur laquelle étaient ciblés les lieux de plusieurs attentats et une enveloppe prétimbrée appartenant au même lot que le courrier de revendication envoyé à « Paris Match » (lire ci-dessous). Ils ont aussi saisi un stock de DVD sur la Deuxième Guerre mondiale, Hitler et Lénine, un exemplaire de « Mein Kampf » et des jeux vidéo. La voiture de Frédéric Rabiller a été mise sous scellés, comme son ordinateur qui va être disséqué.
************************************************************************
« Nous avons des raisons suffisantes de penser qu'il s'agit au moins d'un membre du Fnar. Peut-être même l'unique membre », déclarait hier à la mi-journée Jean-Claude Marin. Dans la soirée, un voisin et ami de Rabiller était néanmoins toujours en garde à vue. « C'est un proche, pas forcément un complice », tempère une source judiciaire. L'environnement de Rabiller intéresse forcément les enquêteurs qui craignaient hier soir que l'intéressé ne soit plus jamais en mesure d'expliquer lui-même sa tragique aventure terroriste.
*******************************************************************************
Timothée Boutry et Damien Delseny
Le Parisien , jeudi 29 mai 2008
xxxxxxxxxxxxxxxxx
* * *
xxxxxxxxxxxx
Plus d'un an de traque acharnée
**********************************************************************************
DES POLICIERS CACHÉS, à demi-enterrés, à proximité des radars. Des caméras chargées de surveiller ces mêmes cabines. Depuis plusieurs semaines, la direction centrale de la police judiciaire mobilisait d'importants moyens humains et techniques pour venir à bout du Fnar et tenter de prendre le ou les artificiers en flagrant délit. Ce week-end d'ailleurs, un dispositif devait encore être mis en place sur des cabines du nord de la région parisienne où le Fnar avait l'habitude de frapper. Le 2 mai pourtant, alors que de nombreux policiers veillaient discrètement sur plusieurs points de la région, le radar automatique de Saint-Gervais (Val-d'Oise), dans le Vexin, était pulvérisé. Cette nuit-là, il était le seul à ne pas être surveillé, ce qui n'avait pas manqué d'étonner, voire d'agacer certains enquêteurs, usés par une traque longue de plusieurs mois.
******************************************************************************
Quand l'antiterrorisme s'empare du dossier Fnar. C'est en septembre 2007 que la sous-direction antiterroriste (Sdat) de la police judiciaire est officiellement saisie d'une première série d'attentats commis contre des radars. A l'époque, le grand public découvre ce curieux « Front antiradar » qui surprend, amuse, parfois séduit une partie de l'opinion. Les enquêteurs, eux, n'ont aucune envie de rire car ils savent que les actions de ce groupe n'ont rien à voir avec les actes de vandalisme fréquents sur ces appareils. A l'époque, le Fnar a déjà envoyé des courriers de revendication au ministère de l'Intérieur dans lesquels il demande une rançon de 4 millions d'euros. Surtout, il a prouvé sa capacité opérationnelle depuis un premier attentat raté sur une cabine de l'Oise, le 3 avril 2007, en faisant sauter d'autres appareils dans le Val-d'Oise et dans l'Eure.
********************************************
D'étranges références d'extrême droite et d'extrême gauche. Comme indices, les enquêteurs disposent des engins qui n'ont pas explosé et des courriers siglés du Fnar. Des lettres disséquées mot par mot par des experts qui relèvent le paradoxe des termes employés. « Il y a du vocable d'extrême gauche mélangé à des idées d'extrême droite », relate à l'époque un enquêteur. Même l'appellation Fnar change. Le « Front national antiradars » devient la « Fraction nationaliste armée révolutionnaire ». Une kalachnikov et une étoile en guise de logo achèvent de semer le trouble. « Ces détails nous ont permis d'exclure de façon quasi certaine l'existence d'une organisation structurée. Il y avait trop d'incohérences », rappelle une source judiciaire. Malgré tout, des vérifications sont logiquement opérées dans les mouvances en question. ********************************************************************************
La piste d'un homme seul. Dès le début de l'année, les enquêteurs avancent une hypothèse qui peut paraître surprenante : le Fnar se résumerait à un seul membre. Pour étayer cette option, les policiers disposent d'un élément technique : la même empreinte ADN a été retrouvée sur deux engins différents. Ils pensent aussi que c'est une « logistique simple » qui rend insaisissable ce « commando ». Quant au discours désordonné, il valide la possibilité d'un « individu isolé ». « On peut penser que cet homme s'était lancé dans une aventure personnelle, presque intime, qui évoluait au gré de la médiatisation de ses actions », lâche un policier. Les enquêteurs évoquent même un profil de suspect : « Ancien flic, ancien militaire ou ancien démineur ».
********************************************************************************
La crainte d'une dérive plus violente. Le dernier courrier de revendication du Fnar envoyé à « Paris Match », en mars, évoque la possibilité d'une radicalisation des actions. Il y est question d'autres cibles « plus dangereuses pour les personnes » et d'appareils « aux capacités plus vulnérantes ». Inquiets, les enquêteurs pensent que le FNAR est entré dans une logique plus « jusqu'au-boutiste ». Coïncidence, à l'occasion de l'avant-dernier attentat, on frôle le pire. Lors de l'explosion de ce radar piégé, un morceau vient se ficher dans la calandre d'un véhicule qui passe à ce moment-là. « Nous savions que l'aventure pouvait très mal se terminer, analysait hier un policier. Pour un passant, mais aussi pour celui qui posait la charge. »
********************************************************
Da.D.
Le Parisien , jeudi 29 mai 2008