samedi 21 juin 2008

Explication

Flambée du gazole : « Certains confrères n'y survivront pas »
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ENTRETIEN
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Christophe Charlon, responsable commercial du groupe de transport Charlon, est président du
syndicat FNTR Languedoc
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Pour un groupe de transport routier comme le vôtre, que représente la part carburant ?
C'est simple, nous avons 75 "ensembles" (tracteur plus remorques) qui sillonnent les routes. Au bilan 2007, le carburant a pesé 1,280 million d'euros pour environ 1,5 million de litres consommés. Notre société a ses propres cuves, que l'on approvisionne entre les dépôts de Fos et de Frontignan.
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A quel prix touchez-vous le gazole ?
Début 2007, nous le payions 0,77 euro le litre. A ce jour, nous en sommes à 1,1745 euro avec une détaxe, symbolique, de 0,0339 euro par litre.
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Quelle est la consommation d'un poids-lourd ?
En charge, nos "tracteurs" consomment entre 30 et 32 litres de gasoil aux 100 kilomètres. Ils développent 400 chevaux. Mais dans le transport routier, on observe aussi des choix peu rationnels pour certaines utilisations, avec des véhicules développant 700 chevaux, dont la consommation atteint 45 litres. Un choix qui n'est concevable que pour un transporteur dont les véhicules font beaucoup de montagne, chargés.
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Comment répercutez-vous la hausse du gazole ?
Nous avons une méthodologie de répercution automatique sur le prix facturé à nos clients. Une répercution qu'ils acceptent relativement bien quand l'activité économique est soutenue, beaucoup moins quand, comme c'est le cas aujourd'hui, l'activité est au ralenti.
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Cela menace-t-il la viabilité de votre entreprise ?
Cela nous oblige surtout à une gymnastique complexe. A savoir que certains clients demandent la facturation de la hausse à trois ou six mois. Du coup, la flambée du gazole signifie une avance de trésorerie de notre part, en attendant que la répercution soit honorée par le client. Quand, comme en 2006 et 2007, les prix fluctuent, montent et descendent, ça va encore. Mais quand, comme c'est le cas aujourd'hui, ça ne cesse de monter, c'est plus dur.
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Répercutez-vous sur le client l'intégralité de la hausse ?
Non. Au mieux, c'est 95 % et, quand ça va mal, c'est 75 % car le client fait jouer la concurrence.
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Quel est le panorama des entreprises de transport pour 2008 ?
Tous les observateurs annoncent une hécatombe d'ici la fin de l'année, car la part de la hausse du carburant qui n'est pas répercutée rogne notre marge, qui est de 0,5 à 4 % selon les années. Certains de nos confrères n'y survivront pas. Nous allons peut-être réduire les parcs de véhicules.
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L'avenir du transport de marchandises ne se situe-t-il pas du côté du fluvial, du ferroviaire ?
Le fluvial, comme le ferroviaire, ne sont rationnels qu'au-delà de 700 km. Or, ces transports de longues distances sont tenus par les Polonais, les Bulgares, les nouveaux entrants dans l'UE. Ils doivent respecter les mêmes temps de conduite qu'un chauffeur français mais un chauffeur routier coûte de 7 à 10 fois moins cher en Pologne qu'en France.
Du coup, ces pays-là n'abandonneront pas les longues distances au fluvial ou au ferroviaire. Ils resteront au routier. Et n'oublions pas que le principal transporteur routier en France est l'Etat, via les filiales de la SNCF...
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Si vous répercutez la hausse du gazole sur vos clients, les prix des marchandises, en bout de chaîne, vont-ils augmenter ?
C'est une idée fausse. Le coût de transport ne représente quasiment rien du coût final de la marchandise. Pour le gazole, c'est 0,66 % du prix à la pompe. Donc, même si nous augmentons nos tarifs de 20 %, le consommateur ne le sentira pas. Et cela est vrai pour 95 % des marchandises. Ce n'est pas le transport qui a fait que les prix de certains produits ont été multipliés par deux.
Certaines pourritures gérantes de leur p... de grandes surfaces viennent ensuite pleurer avec les manifestants (voir les archives du blog), leur faisant croire qu'elles sont les mêmes préoccupations. Mon cul!
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Quels sont les atouts sur lesquels une entreprise telle que la vôtre devra miser pour rester à flots ?
L'avenir, c'est la qualité du service fourni, la sécurité, les assurances, pour lutter contre les pavillons de complaisance du transport routier. Il y a encore des clients "acheteurs de prix" alors que le prix du transport est négligeable. Notre salut viendra d'une politique de prix forts avec du service en échange, car nous n'avons pas vocation à être subventionnés. Il suffit que l'Etat nous aide à répercuter la hausse du gazole. Peut-être devrait-on imposer au niveau européen une tarification minimum. Car il n'y a pas de secret, les entreprises qui pratiquent les prix les plus bas tirent sur l'entretien des poids-lourds, les pneumatiques, les conditions de travail de leurs chauffeurs.
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Recueilli par Patrice CASTAN
Édition du lundi 16 juin 2008
Midi Libre