lundi 14 juillet 2008

Etat policier

Les procès pour outrage se multiplient
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Un mot de travers, un geste de rébellion face à un agent dépositaire de l'autorité publique : délit d'outrage. Hier, deux procès ont eu lieu à Paris.
M*** assistante sociale sur le campus de Nanterre, comparaissait, hier, en justice, « otage », selon elle, d'un fumeux délit d'outrage à sous-préfet.
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Le 22 octobre 2007, au côté de sa fille, elle manifeste contre la lecture de la lettre de Guy Môquet à la station de métro du même nom. Un jeune sous-préfet est chargé de la lire. Des sifflets fusent. Il est agacé. Il met en garde M**** : « Attention Madame, je représente la République. » Elle rétorque : « Oui, mais pas la République que voulait Guy Môquet. »
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À l'audience, deux versions s'opposent. Le sous-préfet soutient avoir entendu : « Vous représentez Sarko, donc, vous êtes facho. » Ce qu'elle dément.
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Son avocat, Me T***, soutient que le plaignant ment grossièrement et sur ordre. Et il rappelle incidemment au tribunal le « casse-toi pauvre con » proféré par Nicolas Sarkozy au Salon de l'agriculture. Comment pourrait-on, dans ces conditions, au nom du président de la République, condamner sa cliente ? Jugement en septembre.
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Seconde audience. Y*** est professeur de philosophie. Son délit : avoir traité des policiers de « milice de Sarko ». Il était énervé, non sans raison. À Barbés, un enquêteur l'a pris pour un revendeur d'ordinateurs volés. Erreur sur la personne. Arrivent les renforts. Il est menotté, violemment traîné au commissariat.
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Face à cette « épidémie » de procès pour outrage, un collectif s'est créé à Paris. Il réclame la dépénalisation de ce délit qui, selon lui, « rétrécit notre démocratie ». Il a été lancé par un éditeur poursuivi, en 2006, pour avoir lancé à un policier qui le verbalisait, « espèce de petit canard ». Depuis, il a interpellé la garde des Sceaux, rassemblé des témoignages. « Il ne s'agit pas d'encourager les gens à outrager. Mais il y a des dérives. Souvent, ces poursuites servent à masquer des violences policières. »
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Les statistiques judiciaires ont enregistré, l'an dernier, plus de 31 000 faits d'outrages à agents dépositaires de l'autorité. Ce chiffre a quasiment doublé en dix ans.
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Bernard LE SOLLEU
Ouest Francevendredi 11 juillet 2008